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Précision sur le régime des sociétés mères : détenir n’implique pas voter

Une réponse subtile entre éligibilité au régime et bénéfice du régime

L’arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 05/11/2014 (n° 370650, Sté Sofina) retient une interprétation littérale de la lettre du législateur : seuls 5% de détention en capital importent pour que puisse s’appliquer le régime, sans prise en compte pour l’appréciation de ce seuil des droits de vote attachés aux titres détenus. Le Conseil d’Etat précise toutefois que le bénéfice du régime d’exonération des remontées de dividendes (art. 216 du CGI) ne profiterait qu’aux titres assortis d’un droit de vote.

Comme en matière d’ISF, il convient donc de distinguer le seuil de déclenchement du seuil d’effet fiscal.

Les conséquences de cette réponse

Nul besoin donc que les titres retenus, pour l’appréciation du seuil de 5%, soient assortis d’un droit de vote, le Conseil d’Etat prenant même soin de préciser qu’il n’était pas plus besoin, « a fortiori, que les droits de vote éventuellement attachés aux titres de participation soient strictement proportionnels à la quotité de capital qu’ils représentent ».

Pour autant, et tel que souligné par le rapporteur public, cette solution est conciliable avec l’exception selon laquelle l’exonération bénéficie à l’ensemble des titres détenus, couverts ou non par un droit de vote, en cas de participation à hauteur d’au moins 5% en capital et droits de vote confondus (art. 145 6. b. ter du CGI).

Quelle portée ?

Cette précision, ainsi que l’obiter dictum de la plus haute juridiction administrative, bien que tous deux d’apparence anecdotiques, pourront néanmoins déboucher sur de nouvelles perspectives d’optimisation mettant en jeu ce régime avec notamment un recours à des actions de préférence, lesquelles peuvent moduler tant le droit de vote que le droit aux dividendes.

Plus largement, le recours à une SAS permettrait, par des dispositions statutaires adaptées, une encore plus grande liberté quant à ces modulations (sous réserve, notamment, de la prohibition des clauses léonines).

En fiscalité internationale

Distinguer le seuil d’applicabilité du régime de ses effets permet que soit transposée cette solution au seuil de 5% requis par la doctrine administrative pour que les sociétés filles soient dispensées de retenues à la source (prévues à l’art 119 bis 2 du CGI) sur leurs distributions de dividendes de source française au profit de sociétés mères européennes dès lors que ces dernières se trouvent, du fait d’un régime d’exonération applicable dans leur Etat de résidence, privées de toute possibilité d’imputer cette retenue (conséquences de l’arrêt Denkavit de la CJUE). Là était en effet l’enjeu de l’arrêt commenté : la doctrine ne visant que l‘éligibilité au régime, seule la détention capitalistique importe.

Les situations à distinguer :

Cette décision amène à distinguer plusieurs situations :

  • La société ne détient pas au moins 5% du capital : le régime ne pourra pas s’appliquer ;
  • La société détient au moins 5% du capital et 5% des droits de vote : le régime pourra pleinement s’appliquer sur l’intégralité des titres (même ceux n’étant pas assortis du droit de vote) ;
  • La société détient au moins 5% du capital mais moins de 5% des droits de vote : le seuil d’applicabilité du régime étant atteint, ce dernier pourra s’appliquer mais uniquement, cependant, sur les titres assortis d’un droit de vote.

 

Remarque opérationnelle :

Les possibilités d’optimisation offertes par cette précision mériteront, à notre sens, d’être sérieusement étudiées en lieu et place du recours au démembrement de propriété de titres avec tout son lot de contraintes et conséquences (bien que cette modalité présente, évidemment, d’autres charmes).

 

Rappel d’actualité :

L’article 212 du CGI a été modifié suite à la révision de la directive relative aux sociétés mères et filiales reprise à l’occasion de la LF 2014 : il n’est désormais plus possible de constater une charge financière déductible chez la fille et un produit de participation exonéré chez la mère en cas de prêt dit « hybride ». 

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